Quel est ce monde infini qui semble nous réserver les découvertes des plus époustouflantes ? Le connaissez-vous... Sûrement pas. Pourtant, un mystérieux voyageur qui le parcourt, semble être le personnage idéal avec qui faire le chemin. Allez vous donc le suivre ?
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Il avait pris le maximum de hauteur et planait bien au-dessus des plaines. Le plus dur et le plus dangereux était fait, désormais il fallait manœuvrer tranquillement afin d'éviter les trop fortes bourrasques et parcourir le plus de distance possible. Se déplaçant comme un oiseau dans le ciel, la pointe de son chapeau flottait au vent. Au fur et à mesure que le cerf-volant avançait, il perdait en même temps de l'altitude. Quelque fois il suffisait d'un courant ascendant pour reprendre la hauteur perdue. Néanmoins il était difficile de les prévoir, et malgré tout, le pilote n'était pas une de ces créatures volantes qui naissaient avec l'instinct ou même la perception nécessaire. Au bout d'un temps, le planeur ne put s'empêcher de se rapprocher dangereusement du sol. Le pilote le guida jusqu'à la colline la plus élevée, et renversa soudainement son cerf-volant sur la verticale afin d'exécuter un dérapage aérien. La manœuvre fut quelque peu brutale, sans doute à cause de la vitesse à laquelle il arrivait, la toile se contorsionna et l'enfant fut projeté par dessus. Il amortit la chute par une roulade dans l'herbe fraîche, son cerf-volant retournant à l'état d'un étrange bout de tissu sans forme. Lors de l'atterrissage le chapeau du mystérieux voyageur s'était retrouvé au sol, pas bien loin. Il le remit sur son chef et ramassa la toile pour ensuite se rendre au sommet de ce monticule. Puis attendant le moment opportun où le vent serait avec lui, il s'élança tout comme la dernière fois, et se retrouva en un rien de temps sur son cerf-volant à parcourir de nouveau la plaine par les airs. Il voyagea un bon moment ainsi, répétant de nombreuses fois ces différentes manœuvres qui lui était nécessaires. Entre temps, la partie éblouissante du ciel s'était pratiquement évanouit, la luminosité se faisait moins éclatante qu'aux premières hôrs et l'on sentait que la fin de la matinée approchait.
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I/
Source
Tout n'était qu'obscurité.
Rien, aucun bruit ni son. C'était comme si le Monde n'avait encore
jamais existé, le vide semblait imperturbable et immuable. Puis il y
eu un signe, la lumière paraissait sortir du néant. A peine
perceptible, un cercle de lumière dessinait l'horizon, comme s'il
avait toujours été là. Petit à petit, le halo s’épaississait
et gagnait en clarté. Invisible il y a peu, son existence ne faisait
maintenant aucun doute ; en un instant on était passé de rien
à tout. Alors que l'illumination gagnait le Monde, du silence absolu
s'élevait un son. Si clair et pur ; à cet instant la vision et
l'ouïe ne semblaient faire qu'un, on avait le sentiment que cette
note émanait directement de la lumière. C'était comme si le son
faisait partie intégrante de celle-ci. Plus elle augmentait en
intensité, plus la tonalité s'élevait. Malgré tout, le silence
n'était pas perturbé par ce son, il semblait s'y fondre. Peut-être
était-ce dû à sa pureté ou encore au fait qu'il n'avait pas de
source précise mais plutôt qu'il venait de partout.
L'infinie circonférence
divisait l'espace en deux. Le trait de lumière qui Le délimitait
s'élargissait et s'étalait vers la première moitié, et qui peu à
peu se transformait en ce qu'on appelle le ciel. Le sublime éclat
donnait pouvoir aux yeux de distinguer peu à peu la réalité, de la
rendre visible à tous. La terre se découvrait et des ombres
furtives apparaissaient, on pouvait commencer à discerner quelques
couleurs, quoique floues et imprécises. La fissure dans le ciel,
malgré sa clarté admettait désormais de nombreuses nuances. La
lumière qui ne pouvait être plus vive s'étendait plus encore vers
le haut, et elle laissait derrière elle un blanc frais mais de plus
en plus terne. Plus elle progressait dans le firmament et plus la
blanche couleur virait au platine. Tout s'effectuait si lentement
qu'on ne pouvait suivre précisément la transformation, et ce malgré
une observation concise. Le teint gris pâle semblait plus blafard
que jamais et pourtant il y avait comme une certaine profondeur qui
s'ajoutait. La couleur n'avait plus l'air aussi terne et bientôt on
commençait à douter de ce gris. Cette nouvelle teinte prenait des
allures plus vivantes et se dégradait progressivement, absorbant de
plus en plus de couleurs. On pouvait vraiment se demander ce qui
résulterait de cette transformation. Malgré toutes les
suppositions, aucune couleur n'était certaine. Puis soudain, comme
par merveille, le bleu apparut d'une manière toute naturelle. Très
clair, il se dessinait dans le ciel pendant que l'éclatante
circonférence bouclait ce dernier.
Une immense étendue baignait
maintenant dans la lumière du jour naissant. Verdoyante à souhait,
une vaste plaine dont on ne voyait même pas les limites régnait en
ces lieux. La luminosité était de plus en plus vive et chatoyante ;
on aurait dit que le Monde venait de naître. L'herbe douce et
fraîche recouvrait de partout le sol, sauf en de rares endroits. Une
petite brise venait de se lever, et caressait la verdure. Le halo
dans le ciel s'était transformé en une impressionnante sphère
lumineuse qui dominait incontestablement de sa position culminante.
Le dégradé du ciel était toujours présent, un magnifique bleu
azuré couvrait la partie basse jusqu'à devenir un blanc étincelant
et formant cet astre brillant. Le vent devenait plus intensif et son
souffle plus puissant.
Il y avait là une petite
élévation comme en de nombreux endroits, car la plaine n'était pas
si uniforme. Sur cette colline se trouvait quelques grands rochers
qui n'avaient pas l'air trop à leur place et marquaient dans le
paysage. Cet amas semblait avoir une forme précise, mais il se
pouvait aussi bien qu'il fut dû au hasard. Cependant il se trouvait
un mystérieux personnage qui venait de passer la nuit en ce lieu. La
personne en question venait de se réveiller et secouait sa cape sur
laquelle il avait dormi. C'était un jeune garçon d'environ quatre
pieds et demi, ses cheveux étaient châtains et en pagaille, il
portait sur lui une veste courte marron clair et une chemise blanche
en dessous, son pantalon était ample et d'une teinte beige. On
pouvait voir qu'il était encore mal réveillé. Il s'avança un peu
plus loin puis se laissa choir sur l'herbe. Le vent était frais,
l'herbe douce, et la lumière le réchauffait ; allongé sur le
dos, il regardait le ciel. Le globe lumineux semblait s'évanouir si
lentement, des nuages d'une blancheur éclatante commençaient à
faire leur apparition dans le ciel. Ils se détachaient de ce ciel
bleuté et devenaient visibles, leur forme étonnante changeait au
gré du vent. Le garçon se leva, il fit joyeusement ses étirements
du matin puis retournant vers les rochers, il s'assit près de ses
affaires. Il y avait là un sac-à-dos d'où il sortit une sorte de
pain qu'il grignota. Après qu'il eu fini, il revêtit sa cape d'un
vert bien sombre et mit son chapeau en feutre de la même couleur. Il
alla ensuite fouiller dans son sac pour y sortir un tissu étrange
replié sur lui-même. La matière avait une couleur grise tirant
légèrement sur le vert, de plus elle ressemblait à quelque chose
qui pouvait posséder des propriétés élastiques. Il rangea le
reste de ses affaires et finit de s'équiper puis s'exposa en pleine
lumière. Là, il déploya son mystérieux tissu dans les airs. Il se
forma une sorte de cerf-volant dont la forme s'approchait assez bien
de celle d'un oiseau. L'enfant maintenait sans aucune difficulté
l'armature qui semblait être posée calmement sur l'air. Il
s'accrochait à deux petites poignées peu éloignées l'une de
l'autre et fabriquées d'une texture plus solide que le tissu
composant le reste. Il attendit un moment, et dès que le vent
souffla à nouveau, il s'élança en courant faisant glisser
étonnement droit son cerf-volant. Il traversa l'étendu de la
colline et au moment où commençait la pente il se jeta sur l'objet
qu'il maintenait jusqu'à lors. Le vide se faisait de plus en plus
grand tandis que l'enfant s'éloignait de la colline en planant.
C'était désormais la toile qui le maintenait dans les airs. Il
manœuvrait sereinement son cerf-volant en étant allongé. Il
pouvait incliner l'étrange objet à l'aide des poignées afin de se
diriger. Le bout de ses jambes dépassait légèrement ; une
contraction sur la toile fit plonger le cerf-volant, et en œuvrant
de tout son poids le pilote le redressa brusquement. Si bien qu'il
s'envola encore plus haut, porté par le vent.
Il avait pris le maximum de hauteur et planait bien au-dessus des plaines. Le plus dur et le plus dangereux était fait, désormais il fallait manœuvrer tranquillement afin d'éviter les trop fortes bourrasques et parcourir le plus de distance possible. Se déplaçant comme un oiseau dans le ciel, la pointe de son chapeau flottait au vent. Au fur et à mesure que le cerf-volant avançait, il perdait en même temps de l'altitude. Quelque fois il suffisait d'un courant ascendant pour reprendre la hauteur perdue. Néanmoins il était difficile de les prévoir, et malgré tout, le pilote n'était pas une de ces créatures volantes qui naissaient avec l'instinct ou même la perception nécessaire. Au bout d'un temps, le planeur ne put s'empêcher de se rapprocher dangereusement du sol. Le pilote le guida jusqu'à la colline la plus élevée, et renversa soudainement son cerf-volant sur la verticale afin d'exécuter un dérapage aérien. La manœuvre fut quelque peu brutale, sans doute à cause de la vitesse à laquelle il arrivait, la toile se contorsionna et l'enfant fut projeté par dessus. Il amortit la chute par une roulade dans l'herbe fraîche, son cerf-volant retournant à l'état d'un étrange bout de tissu sans forme. Lors de l'atterrissage le chapeau du mystérieux voyageur s'était retrouvé au sol, pas bien loin. Il le remit sur son chef et ramassa la toile pour ensuite se rendre au sommet de ce monticule. Puis attendant le moment opportun où le vent serait avec lui, il s'élança tout comme la dernière fois, et se retrouva en un rien de temps sur son cerf-volant à parcourir de nouveau la plaine par les airs. Il voyagea un bon moment ainsi, répétant de nombreuses fois ces différentes manœuvres qui lui était nécessaires. Entre temps, la partie éblouissante du ciel s'était pratiquement évanouit, la luminosité se faisait moins éclatante qu'aux premières hôrs et l'on sentait que la fin de la matinée approchait.
Quand enfin le pilote put
apercevoir au loin des reliefs plus important qui indiquaient la
limite de la grande plaine et le début d'un nouveau paysage, le ciel
se trouvait alors complètement bleu ; le jour s'était
finalement stabilisé. Le planeur se posa cette fois-ci en douceur
auprès d'une jolie rivière qui descendait une vallée. Le vent de
la région semblait plus calme et plus léger, de nombreuses fleurs
en tout genre parsemaient la terre, et plusieurs arbres se trouvaient
aux alentours. Derrière lui il y avait l'immense plaine dont on ne
percevait pas les limites, la frontière était mince mais le paysage
changeait du tout au tout. L'enfant avait l'air agréablement surpris
de trouver ici une rivière, il se délesta de son sac, puis enleva
ses vêtements qu'il posa soigneusement à coté. Il plongea dans
l'eau sans se soucier de quoique ce soit, la profondeur à cette
endroit était suffisante. Une fois rafraîchi, il s'assit sur le
bord afin de sécher et observa le courant de la rivière. L'eau
était étrangement claire, elle devait forcément provenir d'une
source, et si c'était le cas, notre héros pourrait peut-être
trouver ce qu'il cherchait. Il se rhabilla rapidement et rangea dans
son sac le bout de tissu qui lui avait permit de traverser une partie
des grandes plaines. Il se mit à remonter la rivière pour arriver
en cours de route à un petit village.
Sur le chemin se trouvait un
petit moulin qui se servait du courant de la rivière pour faire
tourner une grande lame. Des hommes aux alentours s'activaient en
coupant le bois. Apparemment le village devait s'agrandir, peut-être
une nouvelle masure était en construction. Le voyageur passa
inaperçu tellement les hommes étaient occupés dans leur tâche. Le
village en lui-même était plutôt simple, l'espace avait été bien
utilisé, et l'on pouvait penser qu'il n'était pas très ancien. Il
y avait quelques bâtiments plus grands que d'autres, dont
certainement la demeure du Chef, et peut-être, espérait notre jeune
ami, une auberge accueillante et un bon repas l'attendant. Il n'eut
point de mal à la repérer du fait de l'indice caractéristique à
toutes les auberges, peu importe le lieu et les civilisations, de
grandes voix chaleureuses et des rires qui en provenaient.
Lorsqu'il poussa la porte et
s'avança à l'intérieur, la plupart des bruits cessèrent. Les
regards s'étaient tournés vers lui, devinant instinctivement sa
nature d'étranger, et le jeune âge de l'enfant rajoutait à
l'impression dérangeante qu'ils en avaient. Lui, imperturbable,
marcha droit vers une table vide et s'assit calmement. Des messes
basses commencèrent à envahir la salle. Les voyageurs, c'était
déjà bien rares, mais en général ils n'avaient pas du tout ce
type de profil. Un enfant, ça ne sortait pas de son village, alors
voyager c'était inimaginable, de plus, son accoutrement était plus
qu'inhabituel. Les villages perdus de ce genre avaient appris à se
méfier de toutes sortes de choses, il y avait quantité de rumeurs
parlant de villages rasés. Et les récits contant les diverses
manières et événements étaient innombrables, Généains ou
créatures des plus décriées, en passant par des phénomènes
inexpliqués, la logique n'avait pas sa place et pliait face à la
peur et à la crainte. Mais les gens n'étaient pas tous aussi
paranoïaques et les folles rumeurs permettaient parfois de faire
passer l'ennui. Peu de temps après qu'il se soit assit, une jeune
fille vint s'enquérir de ses besoins.
_ Voulez-vous que je vous serve
quelque chose, messire ?
_ Avec joie, j'ai bien besoin
d'un copieux repas.
_ Tout de suite, fit la fille
d'un sourire timide.
La méfiance se dissipa jusqu'à
un certain point dans l'auberge, et on revint pour le servir. Le plat
encore fumant avait l'air appétissant aux yeux de notre héros, il
n'avait pas eu de vrai repas depuis plusieurs jours. Le ragoût au
gras de brohmon était consistant, mais l'enfant l'avala en
quelques instants, puis il finit en buvant son verre d'eau. Il digéra
un moment, puis se rendit au comptoir pour payer. Il plongea sa main
dans une petite bourse et sortit une petite pépite d'un noir
rutilant. Les yeux de la vieille femme qui jusqu'alors le dévisageait
nerveusement, s’écarquillèrent. Puis après cette brève surprise
elle s'empressa de prendre le grain sombre que l'enfant avait déposé
sur le bord.
_ Ça alors tu ne manques pas de
surprises ! Si tu n'as rien d'autre pour payer c'est parfait.
Elle acquiesça avec un sourire
satisfait et se précipita dans l'arrière salle afin de montrer la
pépite à son mari. Quelque soit la monnaie de la région, on
pouvait être sûr de s'en sortir si on avait de l'Onir ;
ce métal obscur qui avait de la valeur à peu près n'importe où en
raison de sa rareté et de sa préciosité. Le voyageur lui n'avait
manifestement pas pu se renseigner comme il comptait le faire.
Lorsqu'il vu la fille qui revenait après avoir débarrassé sa
table, il lui posa sa question.
_ Excusez-moi, j'ai remarqué la
rivière passant près du village, je me demandais s'il y avait bien
une source pas trop loin ?
_ Ah, eh bien..
Un homme proche se leva
promptement et interrompit la jeune fille.
_ Qu'est-ce que ça peut te
faire de toute façon ! Écoutes, t'es assez louche comme ça
gamin, alors je te conseille de passer vite fait ton chemin et de ne
causer d'ennui à personne.
L'enfant mit son chapeau et le
rabattit sur son front, puis il sortit de l'auberge sans demander
rien de plus. Il s'éloigna lentement en sortant du village. Mais à
ce moment, il crut entendre une voix l'appelant derrière lui. Un
gamin de son âge se tenait dans un coin d'ombre et lui fit un geste
de la main. Notre héros le rejoignit sans trop d'hésitation et
découvrit qu'il s'agissait en fait d'un trio d'enfants. Celui de
devant qui le dépassait en taille et en largeur, et qui se prenait
apparemment pour quelqu'un d'important, prit la parole.
_ Tu m'as pas l'air d'ici,
comment ça se fait que tu te balades seul ?
_ Je voyage, seul.
_ Hein !? s'exclama celui
de droite. Et tes parents ? reprit le chef, intrigué.
_ Je n'ai ni père ni mère. En
tout cas je n'ai souvenir de rien de cette sorte.
_ Étrange, mais en tout cas tu
as de la chance de pouvoir voyager comme tu le souhaites, tu dois
être sacrément fort, fit-il rêveusement. Mais je me demande bien
qu'est-ce que tu viens faire dans cet endroit perdu ?
Le mystérieux voyageur inclina
légèrement la tête comme pour réfléchir. Il n'y avait pas de
raison pour ne pas aller droit au but.
_ Il se trouve que j'aimerai
trouver la source de la rivière proche du village, il y a quelque
chose que j'aimerai vérifier. Mais je ne sais pourquoi, ma question
n'a visiblement pas plu dans la taverne et on m'a invité à décamper
vite fait.
Le garnement se mit à rire.
_ Je comprends pourquoi, les
adultes sont déjà si méfiant d'habitude, mais parler de cette
endroit n'a pas dû les réjouir. Ils en ont peur, mais moi ça ne
m'impressionne pas vraiment, bien que je n'ai pas connu cette époque.
En fait, d'après ce qu'on m'a raconté quand j'étais petit, notre
village se situait juste au-dessus d'une grande source, là-haut,
l'eau paraît-il avait une qualité incomparable. Mais un jour il y
eut une catastrophe, l'eau ainsi que l'air changèrent du tout au
tout, et on abandonna le village. Beaucoup sont morts, alors je
suppose que ça ne doit pas leur plaire de s'en rappeler.
_ Donc il y a bien une source à
découvert. C'est vraiment intéressant, et bon de le savoir.
_ Oui enfin moi je te raconte ce
qu'on m'a dit. Mais bon ça n'a rien d'extraordinaire, surtout pour
un étranger.
_ Merci dans tout les cas.
Il se redirigea vers la sortie
du village, avec une expression énigmatique couverte par son
chapeau. Presque obnubilé par ses pensées, il entendit à peine
l'enfant de tout à l'heure qui le rappelait. Il se retourna après
quelques instants.
_ Au fait, comment tu
t'appelles ? fit le gamin en forçant la voix à cause de la
distance.
L'étrange enfant qui se tenait
là au milieu du village sembla se rappeler de quelque chose, d'une
chose lointaine. Ce devait être la première fois qu'on lui demande
son nom.
_ Je m'appelle Bastian, fit-il,
presque étonné de se l'entendre dire soi-même.
_ Moi c'est Jaol. Dommage que tu
partes déjà, j'aurai voulu te recruter dans mon clan, dit-il
fièrement.
Bastian se détourna et sourit,
un sourire pas aussi simple que son apparence enfantine le laissait
croire.
Le petit voyageur longeait
calmement la rivière, il ne voyait bientôt plus le village qui
disparaissait derrière la forêt. La flore indiquait peu à peu que
l'on se trouvait sur un terrain de mi-montagne. De nouveaux arbres
typiques qui ne poussaient pas en dessous d'une certaine altitude
faisaient leur apparition. La plupart appartenant à la famille des
pinus montagneux, les uns
étaient plus touffus que d'autres, avec des épines plus ou moins
grosses et rigides, ou encore des teintes de verts bien différentes
allant de la plus chatoyante à la plus sombre. Le vent était léger
mais plus frais que dans les plaines. La rivière grimpait de façon
sinueuse et de petites gorges commençaient à se former. Le chemin
qui la bordait fut manifestement en bon état il y a quelques années,
il était assez large pour laisser passer des charrettes, mais
désormais alors que le passage s'était raréfié, la nature
reprenait ses droits sur le terrain. Bastian entendit des hurlements
qui débutaient par une tonalité grave et finissaient sur une bien
plus aiguë, tout cela d'une manière tant étonnante que menaçante.
Il s'arrêta pour aller jeter un œil dans le bois voisin, et observa
les différents arbres et leur branchage. Il s'approcha d'un épais
arbuste et sortit de son sac un couteau. Soigneusement, il s'attaqua
à une branche à la fois souple et noueuse. Une fois qu'il eut fini,
il prit son bâton, le tâta quelques instants puis reprit sa route
le long du chemin.
Les
hurlements ne tardèrent pas à se faire de nouveau entendre, cette
fois-ci plus féroce, plus hargneux, comme si quelque chose les avait
excité. L'enfant marchait de plus en plus lentement, il semblait
détendu mais aussi concentré, attentif aux moindres perturbations.
Soudain trois silhouettes surgirent sur le chemin, face à lui. Elles
se tenaient là, ces bêtes sauvages jugeant l'aspect et le
comportement de leur proie. Leur fourrure singulière était grisée
et résistante, leur gueule faite pour tuer, avec une large mâchoire
qui ne laissait aucun doute quant à la puissance possédée.
Bastian, et par extension n'importe quel Généain
un tant soit peu averti, savait à quelles créatures il avait
affaire. Ces Sargs Épineux n'étaient
qu'une des nombreuses variétés de la race Sarguine
bien que Bastian y avait déjà eu affaire. Il savait donc comment
s'y prendre particulièrement. L'un des animaux commença à grogner,
le plus gros, un jeune mâle à peine adulte mais à la mâchoire
vigoureuse et bien impatient de faire ses preuves. Les deux autres
l'imitèrent, suivant apparemment l'instinct du plus fort. Mais notre
héros ne bougeait pas, son bâton qu'il tenait dans une main lui
arrivait jusqu'au cou. Il savait bien que s'il avait voulu fuir,
depuis longtemps les sargs
se seraient jetés sur lui. Au contraire, ces bêtes féroces
n'avaient pas l'habitude que leurs proies restent aussi impassibles,
la peur surgissait rapidement et il était si facile de se ruer sur
une victime qui, soit tournait le dos, ou alors était complètement
paralysée. Et qui n'aurait pas paniqué en voyant les poils épais
comme des flèches se hérisser de façon si inquiétante ?
Ce
n'était pas une situation normale, lorsque les sargs
tombaient sur une créature qui n'avait pas peur d'eux, il ne fallait
pas longtemps à leur instinct pour évaluer le danger, et fuir
devant plus redoutable qu'eux. Mais ça n'avait rien à voir, un
petit être inoffensif ne pesant même pas leur moitié se tenait là,
peut-être n'avait-il pas conscience de leur présence ; il n'y
avait décidément aucun risque, et c'est ce que les sargs
ressentirent à travers leur instinct. Le dominant se jeta, ses poils
dressés comme des piques, sur ce qu'il avait considéré comme sa
proie. Bastian sauta sur le coté en déployant sa cape, un
sifflement se fit entendre, et le bâton s'écrasa sur la nuque de la
bête. L'animal vacilla un instant et récupéra automatiquement sa
position, se hérissant plus encore comme si le coup ne lui avait
rien fait sauf d'augmenter sa colère. Effectivement les muscles de
sa nuque étaient puissants et massifs, mais cela cachait justement
une faiblesse. Le pli de la nuque apparaissait comme une faille
naturelle dans la fourrure aux milliers de pointes, et l'endroit
était parfait pour porter un coup de ce genre. Mais aussitôt une
autre des bêtes surgissait derrière Bastian, les pattes griffues
plongées vers son cou. Ce dernier pivota en un éclair, se
débarrassant de l'indésirable d'un coup circulaire. Cependant, le
bâton n'avait pas l'air d'avoir des effets très destructeurs, tout
au plus l'animal chutait et se relevait plus agité encore. Les
fauves qui malgré tout leurs efforts ne pouvaient atteindre leur
cible, sombraient de plus en plus dans un état de furie. Bastian
lui, virevoltait dans les airs en faisant des mouvements amples avec
sa cape. Bien sûr il ne laissait aucune prise à ses ennemis, et on
aurait dit qu'il volait presque, du fait qu'il passait plus de temps
en l'air que sur la terre. En effet, dès que son pied touchait le
sol, il sautait à nouveau pour se rendre inaccessible. Et en même
temps que tout cela, il déplaçait son bâton de manière à
distribuer un coup à l'un, puis un coup à l'autre. Il frappait de
façon précise et à chaque fois au même endroit ; la nuque,
toujours ce même point dont on commençait à craindre qu'il ne soit
pas si faible. Un sifflement bref se produisait au moment où la
solide verge s'abattait, le bruit et le mouvement étaient quasi
simultanés. Puis, les sargs
se firent de plus en plus lents, alors qu'au début ils manquaient
toujours de peu l'enfant, maintenant ils peinaient à suivre ses
mouvements et à se redresser après chaque frappe. Leur temps de
réaction diminuait largement et les bêtes commençaient à
s'affoler. Elles ne comprenaient pas l'état dans lequel elles se
trouvaient, ce n'était pas vraiment douloureux et pourtant elles
avaient du mal à bouger. Les coups répétés au même endroit qui
au début n'avaient eu aucun effet commençaient à faire leur
preuve. Bastian ne s'arrêtait pas, ses mouvements étaient même
plus rapides du fait que les sargs
ne réagissaient plus. Leurs muscles de la nuque, endoloris et
malmenés comme jamais faisaient souffrir le reste de leur corps. Car
ils avaient la fonction primordiale de maintenir les autres muscles,
et donc de garantir la position d'aplomb de l'animal. Ainsi,
l'engourdissement se propageait jusqu'aux parties les plus
nécessaires et les paralysait, les sargs
n'avaient d'autre choix que de succomber aux coups multipliés et
s'effondrer de tout leur poids. L'enfant s'arrêta enfin et reprit
son souffle. Son bâton tout ébréché n'aurait pas tenu plus de
temps avant de se fendre, mais il avait été d'un réel secours, et
Bastian le rendit à la nature. Les fauves féroces d'il y a un
instant gisaient désormais au sol, la langue leur sortait de la
gueule et ils haletaient bruyamment comme s'ils étaient en train de
s'étouffer. Bastian se dit qu'ils avaient eu leur compte ; ils
mettraient un bon laps de temps avant de se relever et encore plus
pour lui courir après, dans le cas où ils en auraient eu envie,
après tout on pouvait s'attendre à tout.
Reprenant donc la route, notre
jeune héros continua de marcher un bon moment jusqu'à arriver à
une grande intersection. Étrangement la rivière qui coulait plus
bas sur sa droite s'arrêtait là. Bastian se trouvait à une bonne
hauteur au-dessus du cours d'eau, et il voyait parfaitement que l'eau
ruisselait à travers la roche. Cependant ce ne pouvait être la
source qu'il cherchait et cela il en était sûr. S'il continuait
tout droit, le chemin se réduisait nettement et grimpait assez
abruptement vers les montagnes. Sur sa gauche néanmoins, la route
semblait continuer normalement ; elle devait apparemment se
finir au pied de la montagne que l'on voyait au loin, car elle
n'avait pas l'air d'amorcer une quelconque ascension. L'enfant
distinguait à peine une zone sombre qu'il pensait être un lac, et
donc forcément la source indiquée. Après une courte pause où il
se défit de sa veste car il avait trop chaud, mais pas de sa cape,
il continua ainsi vers son but, traversant une forêt aux arbres
éparpillés.
De nombreuses créatures
paraissaient aux alentours, mais la plupart étaient très discrètes,
certaines s'enfuyaient à l'approche du voyageur, d'autres passaient
inaperçues tant elles se fondaient avec la nature. Bastian pu voir
passer un troupeau de yakuls, des animaux craintifs assez
typique de la région. Ils étaient un gibier de choix pour les sargs
et autres chasseurs féroces, parfois même, il arrivait à quelques
Généains d'en apprivoiser un au lieu de le manger, et il se
révélait être une excellente monture, particulièrement dans les
terrains risqués et impraticable à pied. Leurs longues et solides
cornes étaient aussi beaucoup appréciées, et avec l'on pouvait
fabriquer divers outils fort utiles. C'était une forêt paisible, il
y avait divers bruits s'harmonisant assez bien, les oiseaux et
d'autres animaux chantaient chacun de leur façon, de même les
feuilles dansaient et se secouaient en produisant des frémissements
agréables. Cependant plus notre héros avançait et plus
l'atmosphère devenait calme. Au bout d'un moment, les bestioles
habituelles n'apparaissaient même plus. Et le moindre bruit à part
le vent soufflant dans les arbres se faisait rare. Il semblait n'y
avoir plus que les arbres manifestant leur présence, et Bastian
avait le sentiment de pénétrer un territoire absolument vierge. Il
progressait paisiblement depuis un certain temps lorsque l'orée de
la forêt se fit apercevoir au loin.
La vue qui s'offrit à lui était
à couper le souffle. Passé les derniers arbres, s'étendait devant
lui la montagne qu'il avait vu de loin. Elle tombait en falaise et
encerclait presque l'endroit, là se trouvait la source. Le lieu
avait vraiment quelque chose de mystique, de fabuleux, une impression
énigmatique, difficilement explicable. À quelques pas se trouvait
l'ancien village, il y avait apparemment une légère pente qui
l'amenait plus bas vers le centre. Partout autour de lui traînaient
de nombreux vestiges étonnamment bien conservées. Une sensation
étrange s'était élevé chez Bastian, il y avait comme un silence
pesant. Un son diffus quasi-imperceptible imprégnait l'atmosphère,
et l'enfant ressentait là l'effet de l'Essence. Apparemment
ce que Jaol avait dit s'avérait exacte. La catastrophe qui avait
accablé le village fut sans aucun doute due à la naissance d'une
source d'Essence à l'endroit même de la source d'eau.
Néanmoins existait-elle toujours ? L'air ne semblait pas assez
saturé, et Bastian estima que dans le cas inverse il aurait eu du
mal à respirer. De plus l'endroit semblait viable bien que la seule
présence d'Essence suffisse à repousser tout être
conscient. Ce qui avait tué et causé la fuite des villageois
n'était plus là, seule sa trace subsistait. Encore que cela ne
prouvait rien, il y avait bien eu source, mais est-ce qu'une
matérialisation s'était formée ? Ça il n'en savait rien,
mais il devait absolument le vérifier.
Notre héros traversa les restes
du village tout en méditant sérieusement sur ce qu'il était venu
chercher ici. Lorsqu'il s'arrêta pour contempler le lac devant lui,
il considérât qu'il n'avait jamais vu une telle étendue d'eau. Le
village surplombait de peu le lac cristallin. Ce dernier semblait
cerné par les parois de la montagne qui plongeaient abruptement en
lui, de sorte qu'il ressemblait mieux à une gigantesque cuve.
Bastian s'aventura sur le promontoire se trouvant dans le
prolongement du village et qui s'avançait d'une bonne distance en
approchant le milieu du lac. C'était là un site bien peu ordinaire.
L'enfant s'assit sur le bord, n'ayant aucun soupçon de vertige. Il
regardait vaguement le paysage avec cet air particulier qui le
révélait plongé dans ses pensées. La surface de l'eau était
limpide, néanmoins on avait du mal à voir en profondeur, du fait
que la concentration d'Essence brouillait étrangement les
distances. Bastian se délesta de ses affaires et de ses habits en ne
gardant plus que sur lui son caleçon. Puis il se mit en position de
tailleur sans pour autant s'éloigner du vide. Il détendit tout ses
muscles et commença à prendre une respiration parfaitement mesurée.
De grandes inspirations suivies d'expirations de même temps, son
rythme respiratoire absolument calme et constant. Ses yeux se
fermèrent et il se concentra, focalisant son attention sur l'air
qu'il emmagasinait. Voici ce qu'il fit pendant un bon moment, restant
environ deux ou trois hôrs dans cet état. Plus le temps
passait et plus Bastian ressentait de l'intérieur le besoin de
rejoindre le lac, son instinct le lui commandait violemment. Alors
que le calme avait persisté si longtemps, l'atmosphère semblait
maintenant vaciller. L'appel de la source augmentait en intensité
jusqu'à devenir insupportable, et l'enfant se leva alors. Sa
conscience hésitait encore, et la tension devenait sérieuse. S'il
plongeait sans réfléchir, qui sait ce qui lui arriverait. Ce qui
l'attendait ne lui permettrait peut-être pas de revenir.
L'appréhension et la peur qui en découlait était palpable,
cependant son instinct profond n'en avait cure ; lentement, il
bascula en avant puis chuta du promontoire. Un léger bruit perturba
le silence, et l'onde qui fut créée à la surface de l'eau se
propagea gracieusement pour s'évanouir au bout de quelques instants.
Bastian sombrait petit à petit
dans les profondeurs du lac. Éveillé, mais les yeux clos, la
sensation qu'il avait ressentit en pénétrant dans ces eaux était
tout aussi incroyable que s'il était passé d'un monde à un autre.
Il avait radicalement franchi cette limite qui était la surface de
l'eau ; arrivant brutalement contre celle-ci, pourtant les flots
l'engloutirent, n'opposant presque aucune résistance. Il éprouva un
effet agréable lorsqu'il fut accueilli dans ce nouveau milieu, sa
perception s'en trouva changée. Il se laissait couler paisiblement,
conscient de lui-même mais pas de ce qui l'entoure, ses sens
subissaient une adaptation complexe. Soudain un éclair de lucidité
le tira de sa torpeur. Ouvrant les yeux, il se figea à une
profondeur peu évidente. En toute apparence, il ne devait pas être
beaucoup plus éloigné du fond que de la surface. Bastian se tenait
droit et concentré, flottant entre les eaux, son attention aiguisée
en tout point. Immobile, il ne percevait aucun mouvement manifeste,
sachant cependant que le danger pouvait être imminent et surgir de
n'importe où. Et le temps passa, pourtant il n'y avait toujours
aucune menace qui puisse se faire sentir. La vue de l'enfant
s'éclaircissait peu à peu, et de même le silence ne semblait plus
aussi inexorable alors qu'un son pur et évanescent envahissait
l'atmosphère. Le sônus mais principalement sa mélodie, se
révélait. Apparurent dans un premier temps aussi discrètement
qu'on puisse le concevoir des notes et tonalités infimes, à peine
audible quoiqu'on puisse faire comme effort dans le but de les
écouter. Au fur et à mesure une résonance mystérieuse
s'établissait dans tout les alentours. Chaque son devenait de plus
en plus insistant ; cela commençait par un tintement éthéré,
comme une clochette qui produirait une tonalité imperceptible, la
plus élémentaire qui nous soit donné d'imaginer. Puis, la
vibration qui était créée sonnait, l'onde augmentait en amplitude
et intensité jusqu'à se confondre en une voix irréelle qui
finissait par se volatiliser d'une façon tout aussi indiscernable
qu'elle était naît. Les notes qui se succédaient au fur et à
mesure constituaient une harmonie subtile. Le bruit se dispersait
dans tout l'espace, il semblait provenir de nulle part et aboutir
n'importe où. Le même son, Bastian l'avait déjà perçu à
l'extérieur ; mais ici il apparaissait comme bien plus profond
et complexe. La différence était qu'il se retrouvait littéralement
immergé, comme s'il entendait ce son de l'intérieur. Impossible d'y
échapper, tout son être était traversé de part et d'autres, et
forcé de résonner de même. Manifestement les vibrations prenaient
source précisément dans cet endroit, ce qui n'avait rien de
surprenant. Bastian avait maintenant une vue claire et distincte du
fond du lac, autant que la mélodie qui semblait produite par les
particules d'eau elles-même. Cette dernière paraissait sous
plusieurs aspects impénétrable et merveilleuse, tant de subtilités
troublantes qui dégageaient une indicible douceur. L'enfant n'avait
jamais rien entendu de si apaisant, rien de plus paradoxal donc,
qu'une intense colère se libérait du plus profond de lui-même,
comme en une espèce de réaction. Cette quiétude absolue qui
régnait ne semblait aucunement perturbée par sa présence, et
pourtant il s'agissait bien d'une intrusion, une quelconque entité
se serait fait signaler. Mais rien, Bastian s'était laissé guider
jusqu'ici pour se retrouver face à la déception. Il se sentait
terriblement irrité, alors même qu'il s'y attendait. L'eau
environnante frémit, la mélodie s'altéra de manière étonnante,
comme si elle tentait de fuir.
Son coté irascible prenait une
part inquiétante lorsqu'il se calma soudainement. Il venait tout
juste de remarquer une chose et non des moindres ; lui qui
flottait au beau milieu de ce lac, qui de l'intérieur était bien
réellement une énorme cuve, n'avait pas fait attention à
l'incommensurable silhouette adossé à la paroi montagneuse qui
plongeait jusqu'au fond. Étrange, peut-être qu'à cause de ses
dimensions, il n'avait pu le voir dans son ensemble. Trop grand pour
qu'on puisse d'un coup d’œil dissocier la forme de ce colosse
d'avec la falaise. Bastian était stupéfié, il n'avait pas
connaissance de l'existence d'une chose pareille, ni en avait entendu
parler. Bien qu'il sache beaucoup plus sur les créatures que la
plupart des gens, un titan vraisemblablement en pierre, et de cette
taille, cela surpassait et de loin tout ce qu'il avait pu voir
d'étonnant en ce monde. Dans la position où il était, c'est à
dire assis, ce qui avait tout l'air d'être la tête se situait à
mi-profondeur du lac, la mesure du géant ne devait pas être loin de
la moitié de cette cuve qui n'était pas grand chose pour lui.
L'enfant était subjugué, une créature aussi impressionnante lui
faisait réaliser à quel point il était bien peu, et que son voyage
n'en était vraiment qu'au tout début.
La mélodie avait légèrement
changé, mais ne faisait que renforcer le sentiment d'admiration ;
c'était comme si le milieu avait connaissance de l'état dans lequel
se trouvait Bastian. Cependant il ne pouvait s'empêcher de songer,
si jamais le titan se levait, il ébranlerait le lac dans son
entièreté et encore toute la terre aux alentours, contrairement à
lui qui n'avait produit qu'une perturbation insignifiante. Cette
considération lui fit remarquer que ce dernier avait les jambes qui
se fondaient dans la roche du fond. Mais Bastian avait déjà compris
que le colosse ne se lèverait pas, sa première impression n'était
pas mauvaise, il n'y avait que lui de présent ici. Malgré sa
stature, il était manifeste que la créature titanesque manquait
d'une chose primordiale, ce n'était pas pour rien qu'elle demeurait
absolument inerte et se confondait avec la nature environnante.
L'absence de vie, d'un quelconque moteur, la caractérisait ;
cette masse impressionnante semblait être plongée dans une stase
profonde ou bien s'était-elle éteinte pour de bon... L'enfant resta
longtemps à observer le géant de pierre, il y avait tant de détails
malgré l'allure grossière, la figure dont il restait quelques
vestiges, la carrure particulière, les mains dont on aurait dit
qu'elle avait été sculpté parfaitement, et aussi d'étranges
symboles, symétries, signes et autres figurations tracés d'une
façon si méticuleuse dans le corps rocheux.
Après être resté si longtemps
immergé, la première bouffée d'air que pris Bastian lui sembla
redonner vie. En effet, son corps sortit d'une espèce de langueur
qui était de manière évidente dû à un manque d'air. Il prit
grand plaisir à respirer, et ne se décida à nager jusqu'à la rive
qu'après s'être habitué à l'atmosphère. Pourtant, c'était comme
si son esprit n'avait pas quitté les profondeurs du lac, et on
aurait dit qu'il était encore en train d'admirer le colosse
titanesque. Du moins, on pouvait supposer que cette vision l'avait
marqué, et qu'il y pensait encore. Lorsqu'il atteignit la berge, et
émergeant alors de l'eau, une petite brise vint le caresser. Il
frissonna quelque peu, mais surtout parût retrouver un brin de
frivolité et de gaieté, ce que laissait témoigner son expression
et sa démarche apparente. Ainsi, il retourna sur la pointe du
village d'où il s'était risqué à plonger. Tout en se séchant
avec sa cape, se rhabillant et reprenant ses affaires, il observa le
ciel et les alentours avec une curiosité distraite. Le sônus
avait distinctement évolué ; le bruit clair et diffus
caractéristique de l'endroit était resté identique, cependant
quelques fluctuations générales étaient apparut. Et pour cause, en
son absence le temps avait changé. Plusieurs nuages s'amoncelaient
dans la direction des monts ; volumineux et d'un blanc vitreux,
ils formaient une masse toute particulière, avec des superpositions
et des enchevêtrements fantastiques qui la rendaient presque
vivante. Entre autre, la luminosité avait diminué. Cette nouvelle
ambiance cumulée à la déception qu'avait éprouvé Bastian, lui
suscitait l'envie impérieuse de quitter en vitesse cet endroit
abandonné, qui traduisait désormais une mélancolie insupportable.
Notre très jeune héros dirigea
son regard vers les nuées, son aventure continuait, c'était bien
sûr ; mais qu'allait-il trouver à la fin ? Est-ce qu'il
n'y parviendrait que par sa propre volonté ? Rien ne pouvait
lui présager l'avenir, cependant, avait-il le choix ?...
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Dommage que je n'aime pas lire les textes des autres car le peu que j'ai lu me semble vraiment bon !
RépondreSupprimerPeut-être le reste est-il moins bon, je n'en sais rien, je n'ai pas eu le courage de tout lire. Je ne suis pas du tout lecteur.
Mais je vous encourage à écrire encore et aussi bien que dans cette première partie évoquée que je viens de lire.
Raphaël Zacharie de IZARRA
Eh bien au moins je peux vous remercier de ce commentaire, et de vos encouragements.
SupprimerJe suis tout juste novice en écriture, mais j'espère qu'à force d'expérience, je pourrai m'améliorer encore.
Il est vrai que c'est dommage que vous ne soyez point du tout lecteur, je pense qu'on y trouve un réel et soutenu plaisir. En plus d'après le vocabulaire riche et esthétique dont justement vous faites usage, on a l'impression que vous avez déjà une bonne carrière de lecteur.
En tout cas, même si nos genres d'écriture diffèrent, il m'est sympathique de recevoir votre opinion.
Luryio,
RépondreSupprimerPour un novice je vous trouve plutôt doué, je vous le dis sans nulle flagornerie. Aussi mes encouragements sont sincères et je les réitère avec force. Continuez à écrire, il ne faut pas sous-estimer votre talent. Il est vrai que je ne suis pas lecteur mais à travers les quelques lignes lues ici, j'ai immédiatement détecté en vous un réel potentiel d'écriture.
En effet je suis la preuve qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu pour écrire mais je suis peut-être un cas isolé en ce domaine.
Raphaël Zacharie de IZARRA
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJ'aurai aimé que vous argumentiez plus...
SupprimerSurtout que si c'est pour supprimer son propre commentaire juste après, ce n'est pas la peine.
Dommage.